Qu’est-ce qu’une superfamille de polices et pourquoi en avons-nous besoin ?
Terrance Weinzierl.
La typographie a beaucoup évolué depuis le temps des caractères d’imprimerie. À l’époque, posséder une poignée d’entre eux, c’était avoir une grande variété de choix. Aujourd’hui, les marques et les designers ont besoin de toute une panoplie de polices couvrant différents styles, tailles et alphabets. Cela engendre un besoin accru de superfamilles — vastes collections de caractères pouvant répondre à une multitude de besoins, sans compromettre la cohérence. Mais qu’entend-on exactement par superfamille ?
« Pour moi, une superfamille se définit par la déclinaison de plus d’un style, qui, admettons, comprend un sans et un avec serif, mais ce n’est pas gravé dans le marbre », explique Terrance Weinzierl, designer typographique senior chez Monotype. « Je pense que si une police dispose d’une large variété de graisses et de chasses, c’est une grande famille. Ce qui la rend «super», c’est sa capacité à changer de personnalité ou de voix tout en restant en harmonie et en conservant une partie du même système, peut-être des métriques verticales et des couleurs de graisses visuelles. »
On peut comparer cela aux couleurs analogues. Une grande famille de caractères propose des teintes de bleu clair à bleu foncé, là où une superfamille offre le spectre entier de cette couleur — du bleu-vert jusqu’aux nuances jaunes et violettes. En s’appuyant sur la même architecture de base des lettres, les superfamilles permettent aux designers d’associer différents styles sans créer de combinaisons maladroites.
La superfamille Macklin de Malou Verlomme en est un excellent exemple, car elle réunit plusieurs styles de lettres dans une seule famille qui inclut une sans, une slab, des versions Text et Display. Parce qu’ils partagent un squelette commun, chacun de ces styles peut fonctionner en collaboration avec les autres.
Une boîte à outils complète pour les marques.
C’est précisément cette harmonie interne qui donne aux superfamilles toute leur valeur pour les marques. Elles permettent aux entreprises d’investir dans une police de caractères unique pouvant répondre à de multiples besoins créatifs, tout en laissant aux designers une marge de manœuvre pour l’avenir.
Les superfamilles peuvent être extrêmement précieuses pour l’éditorial, où les caractères sans et avec serif doivent être utilisés ensemble plutôt qu’en opposition, ou pour les entreprises qui ont besoin d’une police à espacement unique pour les environnements de codage. Les marques qui lancent de nouveaux produits, élargissent leur champ d’action ou encore s’établissent sur de nouvelles plateformes, ont souvent besoin d’une nouvelle approche design. Une superfamille leur permet d’y arriver tout en conservant la cohérence de leur marque.
This image shows how three styles of Macklin—Slab for the headline, Sans for the subhead, and Text for the body—can be used to lay out a single editorial piece. Superfamilies like this give you the range to distinguish different blocks of text while maintaining a strong visual throughline.
« Vous pouvez utiliser une superfamille dans votre charte graphique pour distinguer une nouvelle gamme de produits, attitude ou tonalité, qui restera toutefois similaire et reconnaissable », explique Weinzierl.
« Imaginez qu’une entreprise de meubles lance une gamme pour les enfants », ajoute Weinzierl. « La marque principale utilise le sans, et la gamme pour enfants adopte la version arrondie de cette police. Elle est instantanément plus conviviale et plus sûre, tout en conservant l’identité de la marque. Cette approche utilise la nuance entre les polices plutôt que le fort contraste. »
Terrance Weinzierl.
Avec un tel éventail de choix, les designers qui abordent les superfamilles ne savent pas toujours par quoi démarrer. Pour les designers qui se sentent dépassés par ce foisonnement, Weinzierl recommande de commencer petit. Investir dans quelques graisses permet aux utilisateurs de se familiariser avec la police et de s’y habituer. Cela donne également aux designers le temps de comprendre comment ils pourront la compléter et la nuancer. Investir dans une palette limitée, qui pourra être enrichie ultérieurement, est également utile pour de jeunes entreprises ou designers travaillant sur les prémices d’un branding, en réduisant une partie du coût initial des licences.
« Les superfamilles sont utiles pour les premières étapes d’un plus vaste projet. Cela permet de spéculer sur les besoins futurs de la marque », explique Weinzierl. « Admettons que vous travaillez sur une nouvelle marque et que vous n’êtes pas encore certain de vos livrables, mais que vous devez tout de même choisir quelque chose pour votre prototype. Opter pour une superfamille à ce stade, c’est miser sur une base qui vous offre la possibilité de vous réorienter vers des tons plus légers ou plus lourds par la suite. Cela peut également assurer la longévité d’une marque qui en est à son lancement. »
« Vous pouvez avoir une sans, une serif et une arrondie, et ne pas savoir à quoi serviront tous ces styles, mais vous savez que vous les avez sous la main pour l’avenir. De vraies provisions de caractères », ajoute-t-il. « De cette façon, si quelques années plus tard vous avez une nouvelle sous-marque ou un nouveau produit, vous n’aurez pas à refaire toute votre identité visuelle. Vous pourrez choisir dans la grande palette avec laquelle vous avez commencé. »
Taillée pour l’avenir.
Une superfamille vous offre un potentiel pour l’avenir qui va au-delà de la simple stratégie de marque et de l’identité visuelle. On a de plus en plus recours à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée, et leur utilisation est susceptible de se généraliser avec l’évolution de la technologie. Les systèmes d’exploitation peuvent désormais s’adapter à l’heure du jour ou à la luminosité. Toutes ces évolutions vont apporter une augmentation des exigences quant aux polices de caractères existantes et, par conséquent, aux entreprises qui les utilisent.
Les superfamilles pourraient devenir un outil intégral pour suivre l’évolution de la technologie et les besoins des environnements virtuels et tridimensionnels. Elles offriront le choix typographique nécessaire, permettant aux entreprises d’adapter l’humeur et le style de leur police de marque à travers les plateformes, sans faire de compromis sur la transmission de leur message.
« Alors que nos ordinateurs, ainsi que tout le design et le code qui les entourent, deviennent de plus en plus complexes, la question se pose de savoir comment nous pouvons réajuster l’ambiance au sein d’un design », explique Weinzierl. « Pourquoi cette police ne pourrait-elle pas être arrondie dans ces circonstances ? Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir un empattement sous celle-ci ? Les limites se transformeront en opportunités, parce que tout le reste est déjà très ouvert. »