À quoi sert un magasin ? Repenser le commerce à l’ère du confinement.
S’il y a une chose que nous avons retenu de cette première moitié de 2020, c’est que faire survivre et fonctionner une entreprise en pleine pandémie mondiale est tout sauf prévisible. Entre l’auto-isolement, puis les conseils pour rester chez soi, et une compréhension accélérée de la façon dont le virus envahit les espaces publics, la COVID-19 a changé de manière fondamentale et irréversible le moyen de faire des achats.
Les magasins non-essentiels ont fermé. Et les clients qui se rendent dans les commerces essentiels y vont avec un seul objectif : se procurer rapidement et efficacement le nécessaire, tout en interagissant avec le moins de monde possible.
Résultat : la vente en ligne a grimpé de 127% d’une année sur l’autre en Europe. Les gens qui faisaient déjà leurs achats en ligne avant la pandémie en ont fait davantage. Ceux qui tardent à adopter ce comportement peuvent essayer (et être conquis) pour la première fois. Tandis que l’économie se remet en marche et que la réouverture des commerces relance l’option d’achat en magasin, les clients peuvent décider de ne pas reprendre leurs anciennes habitudes par peur de tomber malade (même si un vaccin finit par devenir disponible) ou juste parce qu’ils n’ont plus la nécessité de se déplacer physiquement pour faire leurs achats. Car le shopping en ligne pour l’épicerie, l’habillement, la santé et le divertissement peut aisément remplacer les magasins et centres commerciaux sur le long terme. Cela ne fait qu’accélérer le déclin des enseignes de distribution traditionnelles qui sont coincées dans le modèle commercial physique.
Cela pose une question : à quoi sert un magasin ?
Les retombées du commerce physique tel que nous le connaissons.
De toute évidence, il n’y aura pas de retour à la normalité pré-COVID-19 pour les commerçants. Les nouveaux comportements d’achat vont remodeler l’existence et le fonctionnement du commerce. À l’heure actuelle, les magasins sont concentrés sur une chose : réagencer leurs espaces pour une offrir une expérience soucieuse des mesures sanitaires, simplifiée et sans contact.
Fast Company estime que les clients seront moins enclins à flâner nonchalamment. À défaut de lieux où l’on peut essayer des produits et examiner une marchandise, les marques vont transformer les magasins en lieux où les clients viendront (sur le seuil de la porte) récupérer un produit acheté en ligne, retourner ou échanger un article, ou chercher l’équivalent d’un service client.
Ce concept n’est pas nouveau en soi. Des services comme Just Eat (anciennement Allo Resto en France) ont normalisé la livraison par coursier et davantage d’enseignes ont commencé à offrir la possibilité de choisir et d’acheter en ligne par le traitement d’une commande à venir chercher sur place. La différence, c’est simplement qu’une plus grande partie des affaires vont se faire en empruntant cette voie.
Pour Starbucks, la pandémie accélère le projet de modifier le modèle traditionnel de ses cafés pour ouvrir des boutiques de retrait de commandes sans sièges. Dans certains emplacements, ce modèle pourrait même remplacer des cafés où habituellement les gens peuvent se détendre. Alors que cette stratégie basée sur l’évolution des préférences des clients était planifiée sur une échéance de trois à cinq ans, ces nouvelles demandes rendent ce développement (chiffré en milliards) nécessaire.
De nombreux clients n’ont plus le désir de s’asseoir et fréquenter des gens ou travailler à la réouverture des cafés, soit parce que leur routine a changé pendant la pandémie ou bien parce qu’ils ne se sentent pas à l’aise dans un environnement plein à craquer. L’entreprise affirme que la pandémie lui a forcé à reconsidérer l’idée d’être un tiers-lieu pour ses clients en dehors du travail et du domicile. Aujourd’hui (et sûrement demain), de nombreux clients veulent seulement commander un café et s’en aller.
Fast Company rapporte également que la relation commerciale vendeur / client deviendra d’autant plus importante. Les clients pourront appeler les magasins pour parler des produits et les vendeurs pourront alors proposer une sélection que le client pourra essayer chez lui. Le shopping personnel pourrait devenir plus populaire, accompagné par des conseillers faisant des recommandations, plutôt que de traiter simplement des commandes.
Selon une étude de l’entreprise de paiement en ligne Fast, 89% des acheteurs restent anxieux vis-à-vis du shopping dans des magasins. Être trop proche des autres est la plus grande inquiétude pour 63% des personnes interrogées. 40% se soucient davantage de la propreté des magasins, avec 34% qui craignent de toucher les machines à cartes et 32% de manipuler des espèces.
Les magasins peuvent aussi réagencer leurs espaces pour que leurs clients respectent au mieux les distances sociales, quitte à retirer des étalages et créer des marquages au sol. Les vendeurs du prêt-à-porter sont confrontés à la problématique d’ouvrir ou non leurs cabines d’essayage. Et bien sûr, les magasins doivent limiter le nombre de clients dans leur enceinte.
Tandis que certaines entreprises adaptent leurs espaces, de nombreuses marques mettent en œuvre ou tirent profit de nouveaux canaux digitaux pour préserver leurs ventes. C’est le cas de Pepsi et Frito-Lay qui ont lancé des sites direct-to-consumer où les clients peuvent acheter leurs snacks directement à la source. Il suffit de se figurer le nombre de points de vente d’impulsion dont ces marques sont privées, pour comprendre la solution de passer à une expérience en ligne.
De nombreuses marques n’hésitent pas à investir financièrement dans leurs plateformes digitales, notamment pour la création de meilleurs sites permettant de commander pour la livraison ou la vente à emporter. Nous avons vu des commerces locaux, comme des brasseries et bar à vins, mettre en place des plateformes de commandes en ligne pour remplacer la vente au comptoir. D’autres marques poursuivent leur développement de l’expérience mobile.
Arpan Podduturi, chef de profuit pour Shopify Retail, une plateforme qui aide les PME à vendre des produits en ligne par le biais de logiciel point de vente, explique : « Notre démarche, c’est de permettre aux commerçants de faire des ventes en dehors de leurs boutiques, pour que dans un contexte économique devenu compliqué, ils puissent continuer à faire des ventes même si le trafic en magasin est faible, et en faire davantage lorsque le retour à une fréquentation normale sera effectif. »
Le rôle du design.
Au milieu de cette course incessante du public (et des marques) vers des expériences digitales immergées, une présence en ligne humanisée fera sans aucun doute une grande différence. Cela peut provenir des détails d’un design qui rappelle la convivialité, le rustique, l’honnêteté ou encore l’artisanal (par exemple : couleurs chaudes, photographie avec des éléments plus maximalistes ou de vraies personnes, polices de caractères attrayantes avec serif). Cela peut aussi être insufflé par une expérience utilisateur qui contient plus d’un élément personnalisé. Moins de satisfaction transactionnelle des besoins pour plus d’originalité et d’émotionnel.
D’autres marques peuvent intensifier la personnalisation pour rendre l’expérience ultra-spécifique pour un consommateur en se basant sur ses données de navigation et préférences. La capacité d’une marque à prévoir quels produits sont les plus pertinents pour un client ou pour une interaction de vente personnalisée pourrait faire la différence entre une plus haute valeur du panier moyen et la quantité d’articles par commande.
L’expérience digitale et l’expérience physique de la marque doivent donner l’impression d’être reliées. Si les objectifs de chaque plateforme peuvent changer (recherches et achats sur internet, points de rencontre, retraits et retours en magasin), une stratégie typographique unifiée permet de tout rassembler pour un parcours client sans faille. Peu importe le biais que vos clients choisissent, le fait qu’il s’agit de votre marque et l’objectif de la plateforme doivent être clairs pour eux. Une approche décousue peut créer la confusion chez vos clients.
Marques et clients, nous avançons sur des territoires inexplorés. La seule manière de trouver ce qui fonctionne dans cette nouvelle réalité commerciale sera de tenter plusieurs approches. C’est à la hauteur des marques de réussir et d’échouer, et de persévérer dans ces tentatives pour se connecter à leurs clients. Partir du besoin oui, mais pas seulement. Partir de l’émotion, dans le même temps.