Comment une police peut aider vos clients à se sentir comme chez eux.
Quand il s’agit de votre marque, vos clients ne portent pas seulement leur attention sur votre logo, vos couleurs ou votre typographie. Ils considèrent aussi comment votre marque les fait se sentir. Plus que tout, les marques sont fondées sur des émotions — toutes les réflexions que vous mettez dans le design et l’expérience sont simplement au service de la création d’un sentiment.
Cultiver l’émotion juste pour une marque est essentiel car cela aide les consommateurs à comprendre comment votre marque s’inscrit dans leurs propres vies, et pourquoi et quand ils vont utiliser vos services ou produits. Buzzfeed permet à ses lecteurs de se sentir heureux et divertis. Häagen Dazs a construit sa marque sur la sensation de luxe. La marque Subaru s’est ancrée sur la sécurité et la précaution. Et ainsi de suite.
Les émotions qu’une marque cultive peuvent la démarquer des concurrents de sa catégorie. En visant un sentiment attractif, elle peut prendre davantage de parts de marché et créer une forte affinité de marque. Et si l’on devait synthétiser les émotions à considérer actuellement et les traduire en un mot, le meilleur serait probablement : «cosy».
«Cosy» gagne en notoriété
Ce n’est pas un terme très répandu dans le design ou la typographie, et pourtant, «cosy» est un mélange de qualités — humain, accessible, chaleureux, rustique, honnête et artisanal. Allier ces atouts en branding n’est pas un concept d’une nouveauté intrinsèque, mettre en valeur ses attraits non plus, surtout dans les secteurs comme la literie, le mobilier, le thé.
Ce qui est novateur, c’est que ce sentiment est maintenant utilisé pour vendre des vitamines, des tote bags, des soins pour la peau, des chaussures, et même de l’alcool. Le branding est balisé par l’esthétique du confort domestique, les couleurs chaudes, la fiabilité, et autres éléments reliés à l’idée du chez soi. Mais pourquoi les marques qui n’ont en apparence rien à voir avec la maison s’emparent de manière inattendue de cette approche ?
Pour faire simple, les consommateurs rêvent de confort — et, oui, cette tendance précède la pandémie de la COVID-19 et son confinement, qui a obligé chacun à rester chez soi. Les derniers milléniaux et les premiers de la génération Z, en particulier, gravitent autour du soin de soi, du hygge (philosophie de vie positive autour de la convivialité et du bien-être), du bonheur familial. Ils veulent des produits qui leur donnent la sensation d’être chez eux, même quand ils n’y sont pas, et cherchent du répit par rapport à un monde qui leur semble de plus en plus chaotique. Ces consommateurs réagissent à une culture agitée et oppressante, dans laquelle chaque moment doit être productif et monétisé, rejetant une économie de l’attention et une esthétique de style de vie ambitieux renforcée par des posts Instagram impeccablement organisés.
“ Le paysage design actuel est obsédé par la géométrie, la précision au pixel, l’efficacité, le minimalisme, etc. ”, remarque Pedro Arilla, directeur de la création typographique chez Monotype. “ En outre, plus on compte sur les expériences et services digitaux, plus on remarque qu’un manque de réalité physique y est rattaché. Par conséquent, on voit grandir un besoin de formes organiques, de slow design, de matériaux naturels, d’expériences tangibles. Il ne s’agit pas de nostalgie du pré-numérique, il s’agit de la beauté des imperfections humaines.”
C’est l’exacte antithèse de la spéculation, du chaos, de la perfection et du surmenage. Les gens ont soif de confort, de sécurité, chaleur, quiétude, satisfaction, relaxation. Pendant que le monde se remet d’une pandémie mondiale, les consommateurs se tournent vers eux-mêmes pour trouver un sentiment de calme et de stabilité. L’ensemble de cette esthétique tourne autour du temps passé avec ses amis et sa famille — simplement à la maison (ou virtuellement, pour l’instant). Sachant cela, comment les marques cultivent-elles un sentiment chaleureux et accueillant mais — et c’est important — également sociable ?
La maison est l’endroit où les serifs se trouvent.
Quel que soit le nom que vous lui donnez — «cosy», «confortable», «hygge» ou même «douillet» — ce concept est perçu de manière particulière par chacun. Mais il y a des essentiels communs que les marques à succès ont intégrés. À en juger l’esthétique dominante, le summum du cosy est un mariage entre design intérieur minimaliste scandinave au sein d’une maison de campagne rustique (mais moderne !). Imaginez le décor : une jungle urbaine par-ci ou par-là, quelques couvertures en lainage précieux, des livres, certainement un chat ou chien, des couleurs chaudes, du mobilier parfaitement harmonieux, et accessoirement des personnes séduisantes probablement indépendantes financièrement. Cela vous dit quelque chose ?
Néanmoins, en général, une palette de marque avec des couleurs chaudes, un ton aimable et décontracté, la texture, les teintes chaudes de la photographie avec plus de mobilier maximaliste, incluant de vraies personnes, sont ce qui pourrait composer les directives de marque d’une telle esthétique.
Les polices de caractères avec serif sont devenues le premier choix des marques qui cherchent à capter cet état d’esprit, et c’est facile de savoir pourquoi. Les serifs offrent une dimension de gaieté et de personnalité à travers leurs fioritures et leurs traits variés, qui aident à insuffler charme et caractère au design. Comparées aux lignes nettes et parfaites d’une géométrique sans (le design prédominant de la dernière décennie), elles captent une sensation plus humaine et artisanale.
“ En typographie ”, raconte Arilla, “ les quelques atouts pour une police de caractères plus chaleureuse sont des proportions non-géométriques, des serifs doux, des réminiscences calligraphiques et l’inspiration de typographies analogues. Il y a différentes techniques pour atteindre une apparence et une sensation rustique et humaine. En fonction du type de police, ces caractéristiques peuvent varier. Néanmoins, le fil conducteur est d’éviter la neutralité.”
Prendre la bonne décision pour sa marque
À chaque marque le soin de déterminer si cette esthétique pourra résonner avec ses consommateurs. “ Si vous souhaitez rendre votre marque chaleureuse, votre police de marque devra refléter ces valeurs ”, suggère Arilla. “ Il y a d’autres techniques (couleur, photographie, illustration, rédaction) pour aider, mais la typographie reste la principale. ”
Quand il s’agit de sélectionner une police, Arilla estime qu’il y a une abondance d’options — les marques peuvent commander une police personnalisée ou en choisir une parmi des designs existants. “ Les marques ont toujours le désir de s’exprimer avec leur propre voix. Cela est rendu possible par des designs nouveaux et taillés sur mesure, ou le rafraîchissement d’une ancienne police. De nouvelles versions peuvent capter cet état d’esprit, tout comme avec des réinterprétations de designs classiques ou d’anciennes polices qui n’attendent que d’avoir une seconde vie, comme Clearface, Americana ou Bookman. Ces designs, lorsqu’ils sont correctement utilisés, peuvent nous emmener dans des endroits très spécifiques.”
Pedro Arilla, directeur de la création typographique chez Monotype.
Cela dit, si se tourner vers une nouvelle police pour l’ensemble des matériaux de marque semble trop ambitieux, les marques peuvent tenter de subtiles changements. Il peut s’agir d’ajouter à sa bibliothèque de polices sans-heavy une nouvelle police de sous-titres avec serif, de passer d’une photographie Instagram basée sur des moments posés à une approche plus décontractée, ou de nuancer une palette de couleurs vives par des teintes plus chaudes et terreuses. Si c’est bien réalisé, basculer vers une apparence plus cosy montrera à vos clients que vous les comprenez et que vous tentez de leur apporter les sensations qu’ils désirent. Mais gardez bien à l’esprit que même si ce mouvement est sincère, une mode design a tendance à avoir une durée de vie limitée, surtout si l’ensemble du marché l’adopte.
D’autre part, les tendances designs, quelle que soit leur popularité, ne correspondent pas toujours à une marque. Comme l’ajoute Arilla : “ Chaque marque a ses propres valeurs et ses propres points forts. Dans tous les cas, faire passer en force un sentiment artificiel n’est pas une bonne idée. Une marque est toujours mieux reliée à son audience à travers ce qui fait son naturel et son authenticité. ”
Les clients ont la capacité de sentir si un changement marketing et design est opportuniste, hors de son propos ou abrupte, ce qui, au final, peut endommager la crédibilité d’une marque et sa relation avec ses clients. Il n’est pas toujours facile de savoir si une tendance est faite pour durer (comme les sans serifs) ou simplement pour passer. Il revient aux marketeurs et directeurs design de décider si c’est le moment et mouvement juste pour leurs marques.